PERLA SERVAN-SCHREIBER, L'ACCEPTATION JOYEUSE DE LA RÉALITÉ
Des mots choisis et une sagesse incarnée pour démarrer la semaine autrement.
Perla, le goût des mots, des aliments et des âmes
Née au Maroc, Perla Servan-Schreiber a 81 ans. Juriste de formation, elle a passé 20 ans dans la presse féminine (Elle, Marie Claire), puis a co-fondé, avec son mari Jean-Louis, Psychologies Magazine et CLÉS. Auteure de 7 essais, 4 livres de cuisine, et de 5 petits livres de vie et de cuisine, elle partage depuis 2023 sa newsletter hebdomadaire goodmorningperla. Mariée, sans enfants, elle est grand-mère de 8 petits-enfants.
Invitation à ce courrier : le mantra de Perla
En quoi la cuisine peut-elle être un soin pour l’esprit ?
Je n’en vois pas de plus puissant, sauf une vie d’artiste ou d’écrivain, ou peut-être passer sa vie allongé.e sur un divan d’analyste !
La nourriture touche à quelque chose de plus fondamental que tout ce qu’on peut en dire. Pour moi, il y a une dimension sacrée dans l’acte de cuisiner. Pas seulement dans l’aliment, mais dans le fait d’y penser, de le préparer, puis de le partager. Ce partage-là n’a pas d’équivalent. Rien ne produit les mêmes effets.
Cuisiner pour quelqu’un, c’est offrir un moment, un geste, un échange qui a quelque chose d’exceptionnel. Et cela devient encore plus fort quand on passe soi-même en cuisine.
Je remarque d’ailleurs que l’un des grands drames de la vieillesse, c’est l’isolement. C’est ce qui, souvent, nous fait nous sentir vieux. Or, partager une simple salade ou un œuf à la coque avec une voisine peut transformer sinon une vie, du moins un instant que l’on a envie de reproduire. Une femme m’a un jour confié avoir invité une inconnue rencontrée chez le boucher : elles ont partagé un repas, et ce fut un moment merveilleux. Il se passe alors quelque chose d’indicible : on ne se sent plus seul.e. Et c’est bien pour cela que je parle de sacré.
Le plaisir évolue-t-il avec l’âge ? Comment ?
Il y a plusieurs cas de figure. Certains perdent l’appétit avec l’âge, à cause de la maladie, ou simplement parce que le corps stocke davantage et bouge moins. D’autres, au contraire, accordent une place grandissante à la nourriture… parfois même un peu trop ! Plus on vieillit, moins on doit manger en quantité, mais côté qualité, rien n’empêche de continuer à se régaler.
Il y a peu de choses que l’on peut vraiment choisir pour soi et maintenir dans le temps. L’alimentation fait partie de ces rares libertés durables.
Et vous faites un repas par jour, c’est ça ?
Oui, tout à fait. Il m’arrive de grignoter un fruit ou une carotte pendant la journée si j’en ressens l’envie, mais rien de plus. Je bois beaucoup d’eau, chaude ou froide.
J’ai arrêté de déjeuner il y a quarante ans, quand je travaillais à Marie Claire. J’avais des déjeuners presque tous les jours, et je constatais que mon énergie l’après-midi s’effondrait. J’ai tout tenté : ne manger que des légumes, du poisson… Rien n’y faisait. Un jour, je déjeunais avec un patron de L’Oréal. Au moment de commander, je bloque. Finalement, je prends simplement un thé vert. Et là, révélation : je n’avais simplement pas faim.
On vit dans un monde saturé d’injonctions autour de la nourriture. En supprimant le déjeuner, j’ai retrouvé mon énergie pour la journée entière, et j’ai redécouvert le plaisir du dîner. Depuis, je ne déjeune plus.
Et quand j’ai rencontré mon mari, il ne déjeunait pas non plus ! C’était donc la bonne personne. Mon seul vrai repas, c’est le dîner, et c’est un moment que j’attends avec gourmandise.
Comment décririez-vous votre cuisine ?
Je ne m’intéresse pas du tout à l’aspect esthétique des plats. Ce qui m’importe avant tout, c’est la saveur. Je veux que ce que je cuisine ait du goût et que ce soit addictif. J’adore quand mes amis me disent : “Ce n’est pas possible, j’en ai repris trois fois !”
Je ne suis fermée à rien : ni à la viande, ni au poisson, ni aux légumes. Je peux tout manger. En général, je consomme des protéines animales deux fois par semaine. Le reste du temps, ce sont des légumes, des légumineuses, des céréales… que je sais préparer de mille et une façons.
Mes deux règles d’or en cuisine ? La qualité des produits de saison et la saveur.
Que diriez-vous aux personnes pour qui cuisiner est une contrainte ?
Il faut d’abord comprendre ce qu’il y a derrière ce mot. Soit un manque d’intérêt total, qu’il est bon de respecter, soit, et c’est souvent le cas : la peur de rater.
Beaucoup de gens n’ont appris à cuisiner qu’en préparant des coquillettes pour leurs enfants. Pourtant, cuisiner, ce n’est pas si compliqué. Il suffit d’essayer, de commencer par des plats simples. Il m’arrive de proposer à des personnes de venir cuisiner une recette facile avec moi. Et souvent, elles changent de regard sur la cuisine. J’ai converti des dizaines de personnes, et c’est pour moi à chaque fois une joie.
Avec mes petits-enfants, j’ai cuisiné régulièrement… Et combien d’histoires ai-je inventées pour leur faire manger des épinards ou de la soupe ! Je leur faisais boire par exemple la « soupe Disney ». Quand on entoure un plat d’un récit, tout devient plus savoureux.
Que pensez-vous du monde que nous laissons à nos enfants et petits-enfants ?
C’est un drame, que dire d’autre ?
Cela fait au moins cinquante ans qu’on parle d’écologie, de pollution de l’air… Et pourtant, je n’en ai pas tenu compte. Je ne sais pas pourquoi. Ça ne s’imprimait pas. On en parlait moins qu’aujourd’hui, certes, mais on en parlait. J’estime que ma génération est responsable de ce qui se passe aujourd’hui.
Même maintenant, on a du mal à croire que la menace est réelle. On résiste au changement. Et pourtant, c’est devenu tangible. À mon sens, la première façon d’agir, c’est à travers notre mode de vie. Et l’alimentation est sans doute le tout premier levier.
Comment apaiser son rapport au temps dans une société où tout s’accélère ?
La présence à soi-même est essentielle, que ce soit à table, en amour, en promenade… Tout dans notre société pousse à accélérer, consommer, courir.
J’ai compris très tôt l’importance de ce rapport au temps parce que j’ai vu mes grands-parents vivre dans une paix et une harmonie incroyables. Leur rythme de vie m’a marquée. Je suis orientale, je suis née au Maroc. J’ai grandi dans un rapport au temps naturellement apaisé : passer une journée au hammam, boire du thé, prendre son temps… Ici, même au hammam, les gens courent ! J’ai eu la chance inouïe de recevoir cette culture dès l’enfance, et l’enjeu pour moi a été de ne pas la perdre.
Ce qui, à mon sens, a profondément bouleversé notre rapport au temps et au travail, c’est l’arrivée de l’ordinateur. Puis celle du téléphone portable. J’ai longtemps travaillé sans ordinateur : c’était un autre monde. Aujourd’hui, avec les portables, le travail entre dans la maison. Il faut donc une forme de gouvernance intérieure pour ne pas se laisser engloutir, surtout à l’ère des réseaux sociaux.
Quel est le moment où vous vous sentez le plus vous-même ?
C’est dans la solitude. Dans le silence. L’idéal étant sur une plage au petit matin. J’ai toujours aimé être seule.
Quand mon mari était là, nous recevions peu. Pas de cocktails, pas de dîners mondains. Nous préférions dîner chez nous, et lorsque nous invitions des amis proches, on leur annonçait sans détour : « À 22h, tout le monde dehors. » Ils nous remerciaient ! Parce que, oui, c’est formidable de se coucher tôt.
Je me suis toujours levée tôt, et je commence la journée par dix minutes de méditation. Avec le temps, j’ai appris à écouter cette forme d’intelligence du corps, si subtile et précieuse.
Quel regard portez-vous sur la jeunesse d’aujourd’hui ?
J’adore la jeunesse. Autant je suis ravie de vieillir, autant je suis amoureuse de la jeunesse des autres.
Mais je sais qu’ils vivent dans un monde infiniment plus difficile que le mien au même âge. Un monde d’abondance où il leur manque l’essentiel : le temps et l’amour. Un monde où il manque des interdits structurants, notamment dans leurs relations humaines, amoureuses en particulier. Les jeunes sont pris dans une curiosité irrésistible pour les applis de rencontre. On finit par cliquer comme on tape sur un téléphone. On vit dans une culture du « clic » : je prends, je jette.
Pensez-vous qu’une grande histoire d’amour est encore possible aujourd’hui ?
Bien sûr. Ça l’a toujours été, il n’y a aucune raison pour que cela cesse aujourd’hui. Mais il faut être disponible. Il suffit de lever les yeux, de regarder autour de soi. Le plus bel homme, ou la plus belle femme du monde, pourrait passer, comment y faire attention en ayant les yeux rivés sur un téléphone ?
C’est vrai que cette course permanente à la consommation complique les choses. Mais j’ai confiance en l’humanité : quand on atteint une limite, on finit toujours par trouver une autre manière de faire.
LE QUESTIONNAIRE MEATLESS MONDAY PAR PERLA
Votre légume préféré ? L’artichaut !
Si vous ne pouviez manger plus qu’un plat pour le restant de vos jours, lequel choisiriez-vous ? Il y a tellement de choses que je pourrais manger tous les jours… Je dirais du riz ? J’adore le riz debout [Secret de cuisson à retrouver à la fin de cette newsletter].
Le petit geste pour une vie un peu plus green que l’on peut adopter dès demain ? Manger moins de viande et prendre moins l’avion.
Un petit conseil consommation ? Je suis très frappée par le fait que les gens sont mal équipés de réfrigérateurs. Des légumes frais conservés dans de bonnes conditions sont impeccables au bout de 8 jours. L’équipement est aussi quelque chose qui permet de vivre confortablement sans faire de courses tous les jours.
Si vous étiez étais un animal ? Un chat. Mon chat est un calmant extraordinaire.
Un paysage ? La mer.
Une activité ? La cuisine et l’écriture, difficile de choisir entre les deux.
Quelle est votre définition du bonheur ? Je ne sais pas ce qu’est le bonheur. Ce qui m’intéresse, c’est la joie. La joie, c’est mon ingrédient principal. La joie, c’est inné à 50%, mais après il faut la cultiver.
Votre mission sur terre ? Je n’ai strictement aucune mission ! Mais celle que je m’assigne au quotidien : faire du bien… Procurer de la joie si possible :)
À vous de terminer cette phrase : l’amour, c’est…
L’amour, c’est ce qui justifie de vivre. Je ne vois pas l’intérêt de vivre sans amour.
Le riz debout de Perla
Sélectionner un riz rond.
Le cuire dix minutes dans beaucoup d’eau.
L’égoutter puis le refroidir à l’eau froide pendant dix minutes dans passoire.
Le laisser ensuite s’égoutter.
Dans une sauteuse, faire fondre une noix de beurre et verser le riz par-dessus sans le tasser.
Réduire à feu doux, à couvert, jusqu’à ce que la vapeur traverse. Et le riz a une saveur incomparable.
LIENS UTILES
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DAIMANT SAINT-HONORÉ
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FAUBOURG DAIMANT
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75010 Paris
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PLAN D
Dwich Shop
22, rue des Vinaigriers
75010 Paris
A♡T
Merci beaucoup très belle dame inspirante et d’une humilité et simplicité remarquable